L’exil a toujours fait partie intégrante de l’histoire des Libanais. Avec le documentaire Pays rêvé, Jihane Chouaib, réalisatrice d’origine libanaise, a choisi de parler de la diaspora, plus particulièrement de ses compatriotes qui ont, comme tant d’autres, quitté le Liban de la guerre civile. Ainsi donne-t-elle la parole à quatre d’entre eux afin de connaître leurs sentiments et leurs interrogations identitaires. Sa caméra suit les parcours de sa sœur, Nada Chouaib, danseuse orientale, du dramaturge Wajdi Mouawad, de Katia Jarjoura, journaliste fascinée par la guerre et son côté « esthétique », et de Patric Chiha, réalisateur. Ces quatre artistes exilés ont un point commun : leur pluralité identitaire et culturelle.
Mais cette pluralité, aussi riche soit-elle, mène parfois à l’incompréhension. Lorsque certains d’entre eux reviennent sur la terre-mère, ils ont l’impression de redécouvrir leur pays d’origine. Même s’ils s’y sont indéfectiblement attachés, ils se sentent comme étranger chez eux. Alors qu’ils le sont aussi dans leurs pays d’accueil. Inévitable, une question existentielle se pose : « Sommes-nous toujours libanais ? » Et si cette qualité de « Libanais » n’était en réalité qu’une part de leur identité multiple ?
Les témoignages de ces quatre exilés, poignants et chargés d’émotion, touchent au plus près les spectateurs. Katia Jarjoura revient sur les motivations qui l’ont poussée à revenir un temps au Liban pour tenter de retrouver ses racines, tandis que Nada Chouaib exprime son regret de ne pas bien parler sa langue maternelle. Patric Chiha, qui voit le Liban comme un monde lointain et légendaire, observe les murs criblés de balles. Ces murs des bâtiments détruits par une guerre qui a causé la mort d’environ 150 000 personnes. Ces bâtiments représenteraient presque un patrimoine historique au pays du Cèdre. Wajdi Mouawad, le seul à ne pas être filmé au Liban, raconte des anecdotes sur son enfance à Beyrouth et ses premiers rêves de pièces de théâtre.
Ces différents points de vue, aussi différents soient-ils, se rejoignent. Souvenirs, racines et exils pourraient être les pierres angulaires d’un film qui émouvra non seulement les Libanais de l’étranger, mais également toutes les communautés diasporiques. Et, par-delà, les spectateurs de toutes sortes captivés par la sincérité de l’auteur. C’est en effet la carte qu’a jouée Jihane Chouaib pour son premier film documentaire. Une heure vingt-cinq d’images fortes, dont la bande originale aurait pu être interprétée par la chanteuse libanaise Fayrouz. Un documentaire brut, intime, sans artifices et inévitablement saisissant.
Pays rêvé, de Jihane Chouaib, France, 2012, 1 h 25, avec Wajdi Mouawad, Katia Jarjoura, Nada Chouaib, Patric Chicaw…