Lorsque Alassane Ouattara accède au pouvoir en avril 2011, l’économie est à genoux. Une décennie de mauvaise gouvernance, des années de partition du territoire national et les mesures d’embargo sur les exportations de cacao, décidées par la communauté internationale pour forcer l’ancien président Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir, ont totalement plombé l’économie. En 2011, la croissance économique est négative, à -4,7 %. Les années antérieures, elle n’était guère vigoureuse, parvenant à peine à contrebalancer une croissance démographique élevée. L’inflation est, quant à elle, en forte hausse : 9 %. Des années de non-investissements dans les infrastructures de base combinées au manque d’entretien de l’existant découragent les investisseurs potentiels.
C’est sans surprise que le nouveau chef de l’État inscrit comme priorité de son mandat la reconstruction du pays et la relance économique. Sur ce chapitre, on pourrait difficilement soutenir que rien n’a été fait. L’économie a renoué avec une croissance forte dès 2012. Le pays s’est même payé le luxe de fausser les prévisions de croissance du FMI et de la Banque mondiale, en réalisant, fin 2012, un taux de croissance réel du produit intérieur brut (PIB) de 9,8 %, contre une prévision initiale de 8,1 %. C’est le taux de croissance le plus élevé de la Côte d’Ivoire depuis dix ans.
Les tensions inflationnistes ont été maîtrisées. En 2012, le taux d’inflation s’est établi à 1,3 % en moyenne annuelle, grâce notamment à l’amélioration des circuits de distribution, des voies de desserte agricoles ainsi qu’aux mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la cherté de la vie, explique le premier ministre Daniel Kablan Duncan.
Les grands agrégats économiques ont, eux aussi, été restaurés. Il apparaît ainsi que l’exécution budgétaire s’est soldée par un déficit global mieux maîtrisé que prévu : -3,4 % du PIB à fin 2012 contre -4,3 % projeté. Tous les critères de performance du programme économique et financier ont été respectés fin décembre 2012, assure Daniel Kablan Duncan, pour qui les performances réalisées expliquent le récent décaissement de fonds d’environ 37 milliards de francs CFA par le FMI.
Ces performances ne sont seulement pas le fait du gouvernement. Elles résultent de l’effet combiné d’un ensemble de mesures et de politiques mises en œuvre par les autorités avec l’appui de partenaires extérieurs. Cet appui s’est manifesté, entre autres, par un allègement significatif de la dette extérieure qui a pesé sur les finances publiques et réduit les capacités d’investissements publics pendant trente ans. Le pays est en effet parvenu au premier semestre 2012 au fameux point d’achèvement de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) de la Banque mondiale donnant droit à un effacement de dette.
Après cela, la dette extérieure hors contrats de désendettement et de développement (C2D) avec le gouvernement français, qui constituent des investissements à impact effectif sur la population, ne représentait plus à la fin de l’année dernière que 19 % du PIB, contre 67,9 % en 2007.
La relance économique actuelle est surtout tirée par les investissements publics et la bonne tenue des prix des produits de base, notamment le cacao, dont le pays est le premier producteur mondial sur le marché international. Les réformes opérées pour améliorer l’environnement des affaires devraient favoriser une plus forte implication du secteur privé.
Le pays a pour ambition de réaliser, dès 2014, des taux de croissance à deux chiffres, pour devenir émergent en 2020, et réduire le taux de pauvreté de moitié à l’horizon 2015. Les projections basées sur le Plan national de développement 2012-2015, d’un montant global d’environ 22 milliards de dollars, tablent sur une croissance du PIB de 9 % en 2013 et de 10 % en 2014 et en 2015.
Ces projections qui sont fondées sur les potentialités agricoles, minières et minérales « tiennent compte des efforts d’amélioration du climat des affaires pour une augmentation des investissements privés qui représente au moins 60 % de l’effort d’investissement », explique le gouvernement. Sur cette base, le taux d’investissement global devrait passer de 13,7 % du PIB en 2012 à 23,5 % en 2015, soit près du haut niveau des années 1970, caractérisées par le boom économique de la Côte d’Ivoire que d’aucuns avaient alors appelé « le miracle ivoirien ». Pour la période 2013-2015, les investissements à réaliser s’élèvent à 9 509,9 milliards de francs CFA (14,5 milliards d’euros), dont 4 185,6 milliards de francs CFA (6,4 milliards d’euros) pour le secteur public et 5 324,3 milliards (8,1 milliards d’euros) attendus du secteur privé.
Selon le chef du gouvernement, les secteurs visés par les investissements privés sont notamment les mines, l’énergie, l’agro-industrie et le bâtiment et travaux publics à travers les routes, les ponts, les aéroports, les ports et les chemins de fer.
Dans la stratégie du gouvernement, le secteur privé devrait être, à court terme, le principal moteur de la croissance. C’est la condition, expliquent les analystes, pour que les effets de la croissance forte enregistrée soient plus visibles dans la vie des citoyens. Pour le moment, les Ivoiriens se plaignent de leurs conditions de vie qui ne changent pas, des prix qui s’envolent sur les marchés. Mais la Côte d’Ivoire sortant d’une décennie de croissance molle absorbée par la croissance démographique élevée, une ou deux années de croissance forte, même à deux chiffres, ne suffiront pas à transformer radicalement la vie des gens, expliquait le responsable des opérations de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire. Il faudrait plusieurs années de croissance à deux chiffres pour contenter des Ivoiriens, de plus en plus impatients et qui n’hésitent plus, à l’image de l’ancien parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien de Gbagbo, à contester les chiffres de la croissance et à dénoncer un réendettement supposé du pays.
La redistribution des fruits de la croissance constituera, sans doute, la principale pomme de discorde entre le gouvernement et les travailleurs au cours des prochains mois.