Entre 1830 et 1871, la population algérienne a été décimée par les armées françaises. Une réalité qu’on veut encore occulter.
Le récent vote par le parlement français d’une loi réprimant la négation du génocide arménien de 1915-1916 soulève de nombreuses questions.
En particulier, le fait que les députés et les sénateurs s’autorisent à statuer sur une réalité qui leur est étrangère alors qu’ils ignorent les génocides dont la France a été coupable en Algérie ou complice au Rwanda.
Le génocide algérien
Selon l’historien Gilbert Meynier, la conquête de l’Algérie par la France a coûté la vie d’un quart à un tiers de la population algérienne. [1]
« Par la violence et la durée, elle ne peut se comparer qu’à celle des guerres menées en Amérique du Nord contre les Indiens », écrit un autre historien, Jean-Louis Planche. [2]
Dans ce pays martyrisé par les armées françaises, il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour que le chiffre de la population commence à remonter.
Les méthodes de « pacification » de l’armée française ont été particulièrement abominables et relèveraient aujourd’hui de la qualification de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité ».
En témoigne, la correspondance de plusieurs de ses officiers.
Le Général de Saint-Arnaud en juin 1842 : « On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres ».
Alors qu’il est en Kabylie, en octobre 1844 : « J’ai brûlé plus de dix villages magnifiques ».
Le Lieutenant-Colonel de Montagnac en janvier 1842 : « Toutes les populations qui n’acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être saccagé, sans distinction d’âge ni de sexe. L’herbe ne doit plus pousser où l’armée française a mis le pied. Voilà comment il faut faire la guerre aux Arabes. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens ».
Les « enfumades »
En 1845, le Général de Cavaignac et le Lieutenant-Colonel Pélissier déciment des tribus entières qui s’étaient réfugiées dans des grottes pour leur échapper.
Ils les asphyxient en faisant allumer de vastes feux à l’entrée de la grotte lesquels seront alimentés et attisés pendant des heures.
Un soldat, témoin d’une de ces « enfumades », a décrit comment il avait entendu durant toute la nuit « les sourds gémissements des hommes, des femmes, des enfants et des animaux ».
Au lever du jour, il découvre 760 cadavres d’êtres humains asphyxiés et entassés sous des corps d’animaux.
Saint-Arnaud a concurrencé Cavaignac et Pélissier dans l’horreur en emmurant vivants 500 Algériens retranchés également dans une grotte.
« La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques », écrit-il.
L’écho de ces pratiques monstrueuses parvient jusqu’à Paris.
Un député à la Chambre des pairs s’indigne « d’un acte de cruauté inexplicable, inqualifiable, à l’égard de malheureux Arabes prisonniers ».
Le maréchal Soult, ministre de la Guerre, lui répond :
« Nous avons trop souvent le tort, nous autres Français, d’exagérer les faits sans tenir compte des circonstances. […] En Europe, un pareil fait serait affreux, détestable. En Afrique, c’est la guerre elle-même. Comment voulez-vous qu’on la fasse ? ».
En 2007, lors d’une visite d’État en Algérie, Nicolas Sarkozy exprimera, sous une autre forme, la non repentance de la France officielle : « Je ne suis pas venu demander pardon ».
[1] Gilbert Meynier, Intervention aux débats d’El Watan, 22 octobre 2010, Alger.
[2] Jean-Louis Planche, Sétif 1945, Chronique d’un massacre annoncé, Ed. Perrin, 2010.
[3] La grotte de Nekmaria est située à 80 km à l’Est de Mostaganem. En 2001, un universitaire de Mostaganem, qu’accompagnait une équipe de l’ENTV, est descendu au fond de la grotte à travers un étroit passage. Arrivé au fond de la grotte, à plus de 3 m de profondeur, le groupe a mis à jour des ossements humains ainsi que des reliques.
Article original : https://lepetitblanquiste.hautetfort.com/archive/2011/04/20/le-genocide-algerien-1830-1871.html