L’Union nationale des étudiants zimbabwéens a porté plainte contre le président Robert Mugabe, président de l’Université du Zimbabwe (UZ). La remise de diplômes de Docteur en philosophie délivrés, par lui-même, à son épouse, Grace, qualifiée d’ « insulte pour l’université du Zimbabwe, l’intelligentsia, les docteurs, les professeurs et les professeurs associés de l’université » a choqué.
Pouvoir prétendre posséder un haut niveau d’éducation universitaire est un facteur important dans la course au pouvoir au Zimbabwe. La qualification de Grace Mugabe est venue après l’obtention, également contestée, d’un doctorat par la vice-présidente du Zimbabwe, Joice Mujuru, qui, avec l’actuelle ministre de la justice Emmerson Mnangagwa, dirige la faction d’opposition à Robert Mugabe au sein de la ZANU-PF.
Joice Mujuru, bien qu’ayant déjà reçu différents diplômes de masters de l’Université pour les Femmes en Afrique, ne figure dans aucun registre d’inscription et n’a pu préciser la date à laquelle elle a commencé ses études supérieures. De son côté, Grace Mugabe, 49 ans, a échoué à tous les examens depuis sa première inscription universitaire, en 1998. Malgré les demandes pressantes auprès de l’administration de l’UZ, de publier les détails de son inscription et les noms de ses directeurs de thèse, la direction de l’université reste muette.
Soutenu par l’association des Avocats pour les Droits Humains, le syndicat étudiant dénonce la manipulation politique de Robert Mugabe. « Nous pensons que les politiciens ne doivent pas utiliser abusivement l’université dans le cadre de leur guerre de factions, a déclaré Gilbert Mutubuki, son président, qui subit menaces de renvoi de l’université et pressions diverses. « Nous savons que la vice-présidente et l’épouse du président ont de très hautes ambitions politiques, mais elles ne doivent pas utiliser l’université pour atteindre leur but ».Le syndicat étudiant a demandé, également, la démission de certains responsables de l’université, comme le vice-président, le professeur Levi Nyagura
Dans la guerre qui se mène au sein du parti présidentiel, la ZANU-PF, la priorité de Robert Mugabe est de s’assurer le maintien au pouvoir, même après 35 ans à la tête du pays, et l’ascension de son épouse fait partie de sa stratégie. Secrétaire au bureau présidentiel à ses débuts professionnels, Grace Mugabe est devenue sa femme en 1996 – la cérémonie extravagante et dispendieuse avait été qualifiée de « mariage du siècle » – après avoir été sa maîtresse. Entrée rapidement dans les affaires, sa fortune personnelle a augmenté de façon exponentielle, tout comme celle de ses enfants. Dans un pays dévasté par la crise économique et la misère, elle a fait construire, entre autres, deux palais dont l’un nommé « Graceland », vendu plus tard à Mouammar Kadhafi. L’autre, terminé en 2007, il est dit qu’il a été financé par l’argent de la ZANU-PF pour un montant de 26 millions de dollars. En 2002, Grace Mugabe s’est appropriée des fermes de vaches laitières, dont l’Iron Mask Estate, exploitation de John et Eva Matthews. Mais sa fortune ne s’arrête pas là. Grace Mugabe possède des affaires à Hong Kong, dans la taille de diamant notamment, et une résidence luxueuse.
En décembre 2010, on apprenait par les fuites de WikiLeaks que Grace Mugabe, sa famille et d’autres membres de la haute administration et du gouvernement tiraient des millions de dollars en revenus personnels de mines d’or pour lesquelles ils recrutaient et finançaient personnellement les équipes misérables. La femme du président que l’on surnomme « Gucci Grace » est connue pour son style de vie luxueux et ses shoppings dispendieux en Europe, ce qui lui a valu l’application de sanctions personnelles – comme à l’encontre de Robert Mugabe et d’autres personnalités corrompues de son entourage – par l’Union européenne, en 2002.
En août dernier, Grace Mugabe faisait son entrée officielle en politique, en étant élue présidente de la puissante organisation des femmes zimbabwéennes après avoir été imposée comme candidate unique par son mari-président, une élection contestée par une partie de l’organisation. L’ascension politique de Grace Mugabe inquiète aujourd’hui certains responsables du parti, accusés par Robert Mugabe de vouloir empêcher son épouse d’atteindre les plus hautes responsabilités. La partie se jouera, probablement très serrée, au congrès de la ZANU-PF, en décembre prochain qui pourrait voir la première dame, pressentie comme candidate présidentielle, entrer au comité central, voire au bureau politique ou être nommée ministre dans un remaniement ministériel probable. Dès son élection à la tête de l’organisation des femmes, elle s’est lancée dans une campagne de meetings dans tout le pays.
Qu’en est-il de l’opposition ? Face aux dissensions et aux luttes de factions pour le pouvoir à l’intérieur de la ZANU-PF et dans un contexte de crise économique sans solution – les promesses électorales de Robert Mugabe ne sont toujours pas tenues et aucune alternative n’est proposée – on aurait pu penser que le principal parti, le MDC dirigé par l’ancien Premier ministre Morgan Tsvangirai, aurait saisi l’occasion de renforcer ses positions. Il n’en est rien. Le parti prépare son congrès qui doit se tenir le31 octobre et le 1 novembre. Il est confronté à des problèmes financiers sérieux et des divisions, notamment sur la question de la concentration des pouvoirs dans les mains du président. Le MDC, profondément affaibli par ses divisions entre les partisans et les adversaires de Tsvangirai et frustré de sa victoire aux dernières élections présidentielles arrivera-t-il à revenir dans la vie politique zimbabwéenne rapidement ? Rien ne permet de le dire, mais il est évident que la fin de règne de Robert Mugabe va entraîner le pays dans de nouvelles turbulences.