Les officiers de l’armée régulière, surtout ceux qui connaissent bien Bouaké, ses habitants et la région, ont établi le contact avec les mutins, dans l’espoir de les ramener au calme. Malgré quelques résultats, la situation est toujours tendue.
Ils n’ont pas encore employé les grands moyens, mais ces moyens sont déjà massés à l’extérieur de la ville : blindés légers et pick-up, ainsi que plusieurs contingents des forces spéciales et des gardes républicains sont prêts à intervenir pour mater la mutinerie. La première conséquence de cette démonstration de force a été un embouteillage monstre, composé de dizaines de camions bâchés et d’autobus, le long du corridor sud d’accès à la ville. La seconde a été que les mutins, impressionnés par ce déploiement de forces, ont immédiatement accepté de s’asseoir à la table des négociations.
Ces pourparlers, menés par les lieutenants-colonels Chérif Ousmane, Koné Issiaka et Wattao, qui ont duré plus de deux heures, ont eu pour résultat un apaisement global de la situation. Les armes lourdes et les kalachnikovs se sont tues, du moins pour l’instant et la population, lassée de l’instabilité, commence peu à peu à reprendre ses activités quotidiennes. La situation n’en reste pas moins tendue, car les militaires sont arrivés avec des promesses, pas avec de l’argent. Or c’est là que le bât blesse : les mutins, qu’ils soient démobilisés ou réintégrés dans l’armée, ne réclament que les primes qui leur ont été promises et pas encore versées.
Wattao est bien placé pour savoir qu’il ne faut pas badiner avec un tel sujet : lui-même a participé, en 1999, au coup d’État qui a renversé l’ancien président Henri Konan Bédié et qui avait commencé par une simple mutinerie à propos de primes non-versées… avant de dégénérer et de prendre un tour nettement plus politique. L’échiquier est aujourd’hui complètement différent, mais le président Alassane Ouattara fait quand même face à une opposition qui se radicalise de plus en plus. Pourrait-elle être tentée d’instrumentaliser cette mutinerie ? Rien ne le laisse encore penser, mais le risque existe et le gouvernement serait certainement bien de s’en souvenir, et décaisser rapidement l’argent réclamé. Après tout, ce ne sera que le paiement d’une chose due.