Il y a 71 ans, le 21 février 1944 au matin, 22 des 23 résistants parisiens au sein des FTP-MOI ( Francs – Tireurs et Partisans Main d’Œuvre Immigrée ) du groupe Manouchian, arrêtés par la police française et condamnés à mort par un tribunal militaire allemand, tombaient sous les balles nazies au Mont Valérien.
La 23e, la résistante Olga Bancic, était transférée en Allemagne. De nouveau jugée et condamnée à mort à Stuttgart, elle est décapitée le 10 mai 1944.
Certains étaient Juifs, d’autres non.
Tous avaient été stigmatisés dans cette affiche dite l’Affiche rouge, réalisée avant leur procès par l’organisme français collaborationniste: le Centre d’Etudes anti-bolchevique CEA créé dans le sillage de la LVF ( Légion des Volontaires Français ) proche de Marcel Déat, pour diffuser la propagande de Vichy xénophobe, anticommuniste et antisémite – dont l’objectif était de dresser l’opinion publique contre la Résistance en l’assimilant à une bande de terroristes, étrangers et criminels.
Tous étaient antifascistes, communistes; luttaient, pour certains, depuis les années trente contre le nazisme, cette idéologie criminelle née au cœur de l’Europe occidentale, dans les pays impérialistes en guerre contre leurs propres peuples et en guerre déclarée contre l’URSS.
A l’heure où le racisme sévit sous toutes ses formes en Europe et en France, où la construction de l’Autre musulman, arabe, rrom, noir, étranger sans-papiers comme ennemi intérieur est portée au plus haut niveau des gouvernements et des Etats, où les attentats antisémites de plus en plus alarmants se multiplient, il est important de nous souvenir que les héros de l’Affiche rouge se battaient au nom de principes universels plus que jamais d’une grande actualité : le refus de la barbarie nazie, l’affirmation de la nécessité d’une solidarité internationaliste que certains avaient déjà mise en pratique au cours de la guerre d’Espagne, l’exigence enfin de l’émancipation de l’humanité, de paix et de justice pour tous.
Plus que jamais, celle et ceux de l’Affiche rouge, éclairent nos combats actuels si nous voulons conserver notre humanité et faire ce qu’il se doit.
Le Bureau national de l’UJFP, le 21 février 2015
« 23 étrangers, et nos frères pourtant », un des plus beau vers de Louis Aragon…
Strophes pour se souvenir
Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.
Louis Aragon, Le Roman Inachevé