Le journaliste britannique Shaun Walker du Guardian a affirmé avoir vu un véhicule militaire russe traversant la frontière russe vers l’Ukraine. Une « information » qui a vite fait la Une des médias occidentaux, mais au conditionnel. Cela explique le scepticisme du chroniqueur du site bien informé Moon of Alabama.
Légende : L’armée ukrainienne a-t-elle monté toute cette fable pour interdire l’entrée des camions de l’aide humanitaire russe dans l’Est russophone ?
J’ai déjà exprimé mon scepticisme quant à cette allégation :
« Il m’est très difficile de prendre pour argent comptant ces allégations décrites par Walker. Il était hier encore avec le convoi humanitaire qui est arrêté à quelque 20-30 km de la frontière. Comment aurait-il pu observer la frontière (pas vraiment bien tracée) à partir de là où il se trouvait ? »
Disons les choses différemment : The Guardian et Shaun Walker ne sont certainement pas neutres dans leur couverture du conflit en Ukraine. Il n’y a aucune raison pour que l’armée russe envahisse l’Ukraine et surtout pas à partir d’un endroit tout près d’un convoi humanitaire entouré par des dizaines de journalistes «occidentaux».
Mais cet après-midi le gouvernement ukrainien a affirmé que ses troupes avaient détruit pendant la nuit l’un des véhicules russes.
De son côté, le président ukrainien, Petro Porochenko, a informé David Cameron, dans un appel téléphonique le vendredi 15 août, qu’une colonne de véhicules blindés russes avait été détruite.
C’est à partir de ce moment que tous les médias se sont jetés sur la version rapportée par Shaun Walker à propos de « véhicule blindé russe » détruit pour la transformer en « un convoi militaire russe » qui a été attaqué et détruit en Ukraine.
Faut-il souligner que tous les véhicules blindés en service dans l’armée ukrainienne sont des «véhicules blindés russes», car ils ont tous été construits à l’époque soviétique ? Les 123 tanks, véhicules blindés et transports de troupe et de carburant détruits dans ce conflit, appartiennent dans leur majorité à l’armée ukrainienne, et sont des «véhicules blindés russes ». Les insurgés utilisent ces véhicules comme le fait l’armée ukrainienne. Donc, même si l’affirmation de Porochenko est vraie, alors qu’il n’a encore apporté la moindre preuve étayant ses dires, il n’y a en fait rien qui permet de dire que ces « véhicules blindés russes » sont des véhicules de l’armée russe.
Le gouvernement russe affirme qu’aucun véhicule de l’armée russe n’est entré en Ukraine. Le gouvernement ukrainien n’a cessé d’affirmer depuis plusieurs mois qu’une invasion russe est imminente ou en cours déjà et bien d’autres balivernes de ce genre. Sauf preuve supplémentaire que les véhicules de l’armée russe sont vraiment entrés en Ukraine, je préfère croire le gouvernement russe.
Voici le démenti russe qui n’a pas été repris intégralement par la presse Mainstream
Le ministère russe de la Défense a formellement démenti vendredi les informations selon lesquelles l’armée ukrainienne a détruit un convoi militaire russe qui aurait franchi la veille la frontière russo-ukrainienne.
« Aucun convoi militaire russe n’a franchi la frontière russo-ukrainienne durant la journée d’hier ou la nuit dernière. Il n’existe pas de tel convoi. Espérons que l’artillerie ukrainienne n’a pas tué de réfugiés ou de militaires ukrainiens, mais a détruit un fantôme », a indiqué le porte-parole du ministère russe de la Défense Igor Konachenkov.
Le service de presse du président ukrainien Piotr Porochenko a annoncé vendredi que l’armée ukrainienne avait détruit une partie d’un convoi militaire russe près de la frontière russo-ukrainienne.
Plusieurs médias ont rapporté qu’un convoi comprenant 23 véhicules de combat, camions-citernes et véhicules de soutien portant des plaques d’immatriculation russes avait traversé la frontière russo-ukrainienne près du poste-frontière d’Izvarino. Le Service fédéral de sécurité (FSB) de Russie a démenti ces informations.
Voici par ailleurs comment Gaël Cogné de France TV a couvert cet événement
Six questions sur le convoi militaire russe en Ukraine
Une colonne militaire russe est entrée en Ukraine jeudi soir, selon plusieurs sources. Elle a été en partie détruite par l’artillerie ukrainienne dans la nuit de jeudi à vendredi, affirme Kiev. Mais Moscou dément.
Alors que tous les yeux étaient rivés sur la file de camions humanitaires russes, une autre colonne, militaire cette fois, a fait une incursion en Ukraine, selon plusieurs sources. Repérée jeudi par des journalistes britanniques alors qu’elle franchissait la frontière, elle a été attaquée dans la nuit et en partie détruite, a affirmé le président ukrainien vendredi 15 août. Moscou dément et dénonce des « tentatives de faire échouer » l’entrée de son convoi humanitaire.
Où est entrée la colonne militaire russe ?
Les véhicules militaires sont arrivés de la ville de Donetsk, en Russie (éponyme de Donetsk en Ukraine, située à 200 km de là), pour passer par le poste-frontière d’Izvariné, côté ukrainien, selon les journalistes. Voici une carte pour repérer les lieux.
De l’autre côté, la zone n’était pas contrôlée par les autorités ukrainiennes, mais par des séparatistes pro-russes.
Quand est-elle entrée ?
Quand le convoi est entré en Ukraine, deux journalistes étaient présents. Le journaliste britannique du Guardian a tweeté : « Donc, @RolandOliphant et moi venons de voir une colonne de véhicules de transports de troupes et des véhicules avec des plaques militaires russes franchir la frontière vers l’Ukraine ». Il est peu avant 22 heures, jeudi.
Il semble qu’un troisième journaliste était présent. Ce Russe, travaillant pour New Times a pris quelques photos malgré l’obscurité.
Combien y avait-il de véhicules ?
« Au moins 23 », écrit le journaliste du Telegraph qui détaille : il y avait des véhicules blindés de transport de troupes et des camions militaires. D’après l’article du journaliste du Guardian, les véhicules avaient des plaques militaires russes.
Comment sont-ils entrés ?
Le journaliste du Guardian explique que la colonne s’est d’abord arrêtée pour attendre la tombée de la nuit sur le côté de la route. Au crépuscule, elle s’est ébranlée pour emprunter une piste et passer à travers une brèche dans les barbelés. Des hommes armés étaient visibles dans l’obscurité. Il souligne que c’est « la preuve de ce qu’avance depuis longtemps l’Ukraine – à savoir que des troupes russes sont actives à l’intérieur de ses frontières ».
Comment a réagi l’armée ukrainienne ?
Il a fallu attendre vendredi pour que l’Ukraine confirme l’entrée de la colonne sur son territoire. Dans un premier temps, un porte-parole de l’opération militaire ukrainienne dans l’Est a annoncé qu’ « une colonne militaire russe a franchi la frontière depuis le poste-frontière Izvariné ». L’Otan a à son tour confirmé une incursion russe.
Et, dans l’après-midi le président ukrainien Petro Porochenko a annoncé que des tirs d’artillerie de l’armée ukrainienne ont détruit en grande partie la colonne. « Une action appropriée a été menée contre cette colonne et une partie de cette colonne n’existe plus. Elle a été détruite », a également assuré un porte-parole militaire ukrainien, sans préciser si des soldats russes avaient été tués lors de ce pilonage. Selon les autorités ukrainiennes, la colonne a été attaquée dès qu’elle a franchi la frontière.
Le président ukrainien Petro Porochenko a discuté au téléphone de cette incursion avec le Premier ministre britannique David Cameron, selon un communiqué. Il a indiqué également qu' »une grande partie de ce matériel a été détruit dans la nuit par l’artillerie ukrainienne », selon un communiqué. L’ambassadeur russe à Londres a été convoqué à Downing Street pour « clarifier les informations » sur l’incursion.
Comment réagissent les Russes ?
Moscou a démenti l’incursion, mais la Russie a dénoncé « des tentatives de faire échouer » son aide humanitaire. « Aucune colonne militaire russe n’a franchi la frontière russo-ukrainienne ni de nuit ni de jour », a déclaré le ministère russe de la Défense dans un communiqué. Le ministère russe qualifie les accusations ukrainiennes d’ « espèce de fantasme ». Cependant, Moscou affirme dans un communiqué que « l’intensification brutale des opérations militaires » ukrainiennes dans cette région « a de toute évidence pour but de couper l’itinéraire convenu avec Kiev » pour le passage du convoi humanitaire russe.
Le 6 août, l’Otan affirmait que Moscou a massé 20 000 hommes le long de la frontière. A Donetsk (Russie), le journaliste du Telegraph a photographié quelques véhicules militaires.
Selon un journaliste de la BBC, un convoi de dizaines de véhicules militaires russes se dirigeait en direction de la frontière. Précisément là où est passé le convoi qui aurait été attaqué.
Plus tôt, il avait photographié ces véhicules, toujours dans la même région.
Au lecteur avisé donc de chercher l’ « erreur », de regarder les « preuves » et de conclure…
Source : Moon of Alabama, FrancetvInfo et Afrique Asie