Bassem Naim est le directeur du centre de réflexion du Hamas sur les relations internationales. Il réagit à la résolution 2334 du Conseil de sécurité et à l’élection de Donald Trump.
Quelle est pour vous la signification de l’abstention des États-Unis ?
L’abstention des États-Unis équivaut ici à un vote positif. Car les Américains sont les maîtres de tout projet.
Que pensez-vous de l’attitude de l’Égypte dans cette affaire ?
Si l’on considère la politique de l’Égypte vis-à-vis de la question palestinienne, ce ne fut pas une surprise (que l’Egypte fasse partie des promoteurs de la résolution ndlr). Car d’une manière générale les Etats Unis au niveau international collaborent avec l’Égypte. Ce qui est surprenant c’est que les Egyptiens aient retiré leur appui à la résolution une nuit avant le vote. Je pense que ce fut sous la pression de la prochaine administration.
Gaza n’est mentionnée nulle part dans cette résolution. Cela a-t-il une signification ?
Le début de la résolution mentionne un certain nombre de résolutions dans lesquels le blocus de Gaza est dénoncé. D’autre part il s’agit d’un projet palestinien global et tout ce qui concerne la Palestine, les colonies, le mur, Jérusalem, tout ceci fait partie de notre problème. Nous luttons pour une Palestine libre, pas seulement pour une libération du siège de Gaza.
Que pensez-vous de l’initiative française ?
Il ne s’agit pas davantage que de poser la question palestinienne sur la table. Ce n’est rien de plus. En pratique, je ne pense pas que cela va changer grand-chose sur le fond mais cela montre que la question palestinienne fait partie de la politique internationale. Cela met une certaine pression sur les Israéliens pour avancer, pour les pousser à la négociation dont nous savons que 20 années de négociations ont complètement échoué.
Le Hamas a-t-il des contacts diplomatiques internationaux secrets ou non secrets avec les pays occidentaux ?
Oui nous avons quelques relations directes et indirectes, d’autres par l’intermédiaire de pays tiers. Mais ces relations ne sont pas médiatisées. Ce sont des relations secrètes, à la demande des pays avec lesquels nous avons des contacts, ce n’est pas de notre fait.
Que ressentez-vous à la suite de l’élection de Donald Trump aux États-Unis ?
D’une manière générale et depuis 70 ans les Américains sont rangés du côté israélien. Ou en tout cas du côté des intérêts israéliens. Les USA leur offrent toujours leur parapluie et leur feu vert pour continuer leurs agressions. Je ne pense pas que quiconque arrive maintenant va apporter de grands changements à cette politique.
Mais nous nous attendons au pire en provenance de ces personnes qui manifestent leur position envers l’islam et envers les mouvements islamiques, l’islam politique. Et naturellement le Hamas qui est considérée comme faisant partie de cet islam politique. Ceci produit, selon ce que nous avons lu, un effet très négatif. Ils ne font pas la différence entre DAECH et le Hamas par exemple. Pour eux c’est l’islam politique, c’est l’islam radical. Nous espérons que la prochaine administration américaine fasse des efforts pour sortir de cet amalgame.
D’un autre côté il y a un petit nombre d’Américains qui parlent franchement du rôle négatif de l’Amérique pour mettre fin au conflit, des intellectuels qui parlent avec des documents du rôle des Américains pour soutenir les Israéliens dans leur volonté de rendre impossible la solution à deux Etats.
Quand vous dites que vous vous attendez au pire, pensez-vous qu’il y a la possibilité d’une nouvelle guerre soutenue par la diplomatie américaine ?
Non ce n’est pas ce que je veux dire. Donner un appui aux Israéliens pour accentuer la colonisation poursuivre les annexions, transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnaître Jérusalem comme la capitale unifiée d’Israël, je pense qu’ils pourraient franchir des étapes stratégiques, étapes qui n’ont pas été franchies par les administrations américaines précédentes. Une guerre contre Gaza pourrait constituer l’une de ces actions. Mais il est plus sérieux pour eux de continuer à annexer la Cisjordanie, en faire une partie d’Israël, faire reconnaître l’annexion du Golan, et transférer l’ambassade à Jérusalem. Ils veulent laisser Gaza seule, isolée, c’est ça leur stratégie. Ainsi nous ne pensons pas à avoir dans l’immédiat à subir une guerre.
Par ailleurs la réponse positive du Hamas concernant cette résolution ne signifie pas que cette résolution représente la position du Hamas. Cette résolution représente un pas positif de la communauté internationale face à notre lutte et à nos souffrances. Mais ce n’est pas notre position. Nous n’entrons pas ici dans la discussion de colonies situées d’un côté ou de l’autre côté du mur. Ce dont nous parlons au minimum c’est d’une Cisjordanie et de Jérusalem Est libres de toutes colonies. C’est le minimum que la Palestine puisse accepter comme Etat, un Etat indépendant.
Propos recueillis Par Philippe Tourel