Un congrès du Fatah, ça ne s’analyse pas en cinq minutes, surtout quand on ne lit pas l’arabe, se privant des meilleures sources d’information. Mahmoud Abbas, qui dirige également l’Autorité palestinienne et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), seul représentant du peuple palestinien souverain, avait été réélu à l’ouverture du congrès de Ramallah, comme chef du parti, par consensus. L’enjeu se reportait ainsi sur la ligne politique, et la composition des instances dirigeantes, le Comité central et le comité révolutionnaire, le « Parlement » du parti.
Au lendemain de la clôture du congrès, des points majeurs se dégagent nettement, que l’on peut résumer en trois constats :
– Mahmoud Abbas, 81 ans, tient bien la maison ;
– Mohammed Dahlane, l’opposant exilé et aux choix politiques si polémiques, est radié des cadres;
– depuis sa prison israélienne, MarwanBarghouti triomphe et se retrouve le membre le mieux élu du Comité central, avec 70% des voix.
La succession d’Abbas, qui n’est pas ouverte, est une échéance inéluctable et la phase à écrire a pris une nette orientation, avec de double mouvement qu’est l’élimination de Dahlane et la victoire de Barghouti.
MarwanBarghouti, c’est l’anti-Dahlane, c’est la victoire des fondamentaux : le respect de la souveraineté palestinienne, et l’application stricte du droit international de l’ONU, avec le retour aux frontières de 1967, et la coexistence de deux Etats. MarwanBarghouti a toujours clairement défendu une Palestine démocratique et laïque. Il condamne les attentats aveugles, mais approuve le recours à toute forme de résistance, en se plaçant au niveau utilisé par l’occupation militaire. Mandela avait défendu cette ligne : ce n’est pas à toi de faire le choix de t’armer ; c’est l’oppresseur qui désigne les armes que tu dois prendre pour te défendre.
Au début des années 2000, il était un leader de grande influence, un des inspirateurs de la deuxième Intifada, ce qui lui avait valu d’être arrêté en 2002, et condamné par l’Etat d’Israël en 2004 à cinq peines de prison à vie. Lors de son procès, il avait contesté la légitimité du tribunal, et avait refusé de se défendre. Son «V» de la victoire, menottes aux mains, au moment du délibéré, est resté dans la société palestinienne comme la marque du devoir de résistance. Et il est aussi populaire en Cisjordanie, à Gaza et dans les camps de réfugiés du Liban ou de Jordanie. Bref, MarwanBarghouti est le responsable politique qui peut réunir le peuple palestinien.
Depuis son incarcération, son influence n’a cessé de croître, et la victoire politique de ce week-end est une consécration. Bien sûr, les juges se sont prononcés, et c’est la perpétuité. Mais, dans la vraie vie, combien de temps Israël pourra-t-il garder en détention un responsable politique plébiscité par son peuple, et qui a pour projet l’application du droit international de l’ONU ? La communauté internationale va-t-elle pouvoir rester sourde à ce que dit le peuple palestinien ?
Blog de Gilles Devers