Au début du mois d’août, l’un des anciens plus hauts responsables du renseignement du Pentagone, le général Michael Flynn, a déclaré que la décision de l’Occident de soutenir la mise en place d’une « principauté salafiste légale ou illégale dans l’est de la Syrie » pour faire pression sur le gouvernement syrien, était une « décision délibérée ». Il a ensuite confirmé que le rapport de l’Agence de renseignement de la Défense sur le développement d’ISIS en Syrie déclassifié en 2012, avait explicitement averti de la possibilité d’un « État islamique » déclaré « par une union d’organisations terroristes en Irak et en Syrie ». Les grands médias n’en ont pas parlé.
Personne n’a voulu toucher la « ligne de haute tension » d’une collusion possible des Américains avec les forces du Califat. Mais la déclaration du général américain était très claire : la « jihadification » du conflit syrien a été une politique « délibérée », et puisque qu’Al Qaeda et l’embryon d’ISIS étaient les seuls mouvements capables d’établir un tel califat en Syrie et en Irak, l’administration américaine et ses alliés ont accepté les conséquences tacites, dans le seul but d’affaiblir ou de renverser l’État syrien.
Nombreux furent ceux qui trouvèrent les commentaires du général Flynn peu crédibles, en dépit de sa connaissance directe des événements. Pourquoi ? La plupart des lecteurs ou téléspectateurs auraient trouvé cela tout à fait paradoxale, et c’est un sujet qui touche encore la blessure suppurante de la psyché occidentale : les attentats du 9/11.
Mais aujourd’hui, avec l’intervention militaire russe et iranienne, le « pétrin » syrien dans lequel l’occident se trouve n’est que trop évident : la Russie garantit une couverture aérienne à l’armée syrienne, qui vise à couper les lignes d’approvisionnement des rebelles depuis la Turquie, d’une part, et à couper la route Mossoul-Alep, de l’autre, avec pour objectif la défaite stratégique d’ISIS. Face à ces actions, les dirigeants occidentaux semblent tergiverser, voire souhaiter entraver les efforts russes et autres contre les forces radicales du Califat, et leur créer des difficultés en soutenant les envois massifs de missiles TOW et MANPADS aux groupes islamistes combattants par leurs fournisseurs du Golfe.
Les forces que le 4+1 (Russie, Syrie, Iran et Irak, plus le Hezbollah) doit battre ne sont pas ISIS, mais Al -Nusra et Ahrar Ash-Sham – les forces djihadistes et du Califat qui n’ont absolument aucun intérêt dans la mise en place d’une politique autre que leur propre victoire. Cependant les dirigeants occidentaux crient au scandale et insinuent que ce sont « nos boys » et qu’ils ne doivent pas être attaqués.
Le « pétrin » de l’Occident
Le « pétrin » dans lequel se trouve l’Occident est visible dans toute la région : les États-Unis et leurs alliés sont à la fois « en guerre » avec les forces radicales sunnites coupeuses de têtes, et « couchent» en même temps avec elles. Comment cela est-il arrivé ? Comment ce « pétrin » peut-il être résolu ? Les racines de l’ambivalence américaine vis-à-vis de l’Islam sunnite radical (comme je l’ai noté précédemment) réside d’abord dans le groupe des Néoconservateurs américains qui formaient une courroie de transmission influente de « guerriers de la Guerre froide » autour du vice-président Dick Cheney, obsédés par le retour de l’influence soviétique au Moyen Orient et par le renversement des États socialistes et nationalistes arabes, considérés à la fois comme des « clients » des soviétiques et comme une menace pour Israël.
La Baas, l’ennemi à abattre
David Wurmser, le conseiller de Cheney pour le Moyen-Orient, insistait, en 1996, sur l’idée que « limiter et accélérer l’écroulement chaotique » du Baassisme devait être la priorité américaine dans la région. Il ne fallait avoir aucune pitié pour le nationalisme laïc arabe « pas même, ajouta-t-il, pour endiguer la vague du fondamentalisme islamiste. »
Mais l’utilisation par les Américains (et les Britanniques) des mouvements djihadistes radicaux sunnites pour leurs « visées géopolitiques plus larges » était déjà bien engagée avant 1996. Dans une interview, publiée par le site Counterpunch, en 1998, on demandait à Zbig Brezinski, le conseiller à la Sécurité du président Jimmy Carter, s’il regrettait que la CIA ait secrètement soutenu les djihadistes en Afghanistan, six mois avant l’intervention militaire soviétique (intervention à la demande de Kaboul). Il répondit : « En effet, le président Carter a signé la première directive sur une aide secrète aux opposants du régime pro-soviétique de Kaboul le 3 juillet 1979. (Les soviétiques sont intervenus le 24 décembre 1979). Et ce même jour, j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui ai expliqué que, selon moi, cette aide (aux forces islamistes) allait provoquer l’intervention militaires soviétiques.
L’interview continue ainsi :
Counterpunch : Malgré ce risque, vous avez défendu l’action secrète. Mais peut-être vouliez vous que l’Union soviétique entre en guerre et avez-vous chercher à la provoquer ?
A. Brezinski : Ce n’est pas tout à fait ça. Nous n’avons pas poussé les Soviétiques à intervenir, mais nous avons consciemment augmenté la probabilité d’intervention.
C. : Quand les Soviétiques ont justifié leur intervention en affirmant qu’ils avaient l’intention de combattre contre un une opération secrète des États-Unis en Afghanistan, les gens ne les ont pas crus. Cependant, il y avait une base de vérité. Vous ne regrettez rien aujourd’hui ?
B. : Regretter quoi ? Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan et vous voudriez que je le regrette ? Le jour où les Soviétiques ont officiellement passé la frontière, j’ai écrit au président Carter : Nous avons désormais l’occasion d’offrir à l’Union soviétique leur guerre du Vietnam…
C : Et vous ne regrettez pas non plus d’avoir soutenu les mujahiddines islamistes, de leur avoir donné des armes et d’avoir conseillé de futurs terroristes ?
B. : Qu’est-ce qui est le plus important pour l’Histoire du monde ? Les Taliban ou l’effondrement de l’empire soviétique ? Quelques Musulmans excités ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la Guerre froide ? www.cnss.org/data/files
C. : Quelques Musulmans excités ? Mais on a dit et répété : le fondamentalisme islamique représente une menace pour le monde, aujourd’hui.
B. : C’est stupide !
Bien que le principe d’utiliser des djihadistes sunnites fanatiques pour atteindre les objectifs géopolitiques américains était déjà bien en place, les racines de l’imbroglio américain en Syrie résident plus dans les événements de 2006 et 2007 : la guerre de 2003 en Irak n’a pas fait émerger le bloc régional pro-israélien et pro-américain tel que prévu par les Néocons, mais elle a, plutôt, stimulé un « croissant chiite » puissant de résistance allant d’Iran à la Méditerranée, et les dirigeants du Golfe ont commencé à avoir peur. Les États sunnites étaient « pétrifiés par la renaissance chiite, et la rancœur augmenta face au fait que nous misions sur des chiites modérés en Irak . Comme un conseiller du gouvernement américain le dit alors : « Nous ne pouvons pas inverser le gain chiite en Irak, mais nous pouvons le contenir ».
En 2006, Israël n’a pas réussi à porter atteinte sérieusement au Hezbollah, ce qui a provoqué un débat houleux à Washington :
« Il semble qu’il y ait eu un débat au sein du gouvernement sur le plus grand danger – Iran ou les radicaux sunnites », dit Vali Nasr, un responsable du Conseil pour les Affaires étrangères à Seymour Hersh. « Les Saoudiens et certains au sein de l’Administration, considéraient que la principale menace était l’Iran, et les radicaux sunnites un moindre ennemi. C’est une victoire pour la ligne saoudienne ».
Ce fut aussi, d’une certaine manière, une victoire pour les dirigeants libanais proches des saoudiens pro-sunnites qui au cours des années précédentes, avaient renforcé leurs liens avec les groupes sunnites extrémistes qui épousaient une vision militante de l’Islam, comme Fatah al-Islam, étaient hostile aux États-Unis et favorables à Al-Qaeda. Ces « Alliés secrets du 14 mars » (une coalition libanaise anti-syrienne du nom de la date de la soi-disant révolution du Cèdre) étaient considérés par l’élite sunnite libanaise comme les soldats d’infanterie potentiels, « ayant l’expérience de la guerre » depuis le conflit irakien, qui pouvaient être soutenus et progresseraient suffisamment pour battre le Hezbollah militairement au Liban : ils devaient former les troupes de choc sunnites « du 14 mars », en d’autres mots, ils contrôleraient l’influence chiite et peut-être même les finiraient par les vaincre.
L’expérience libanaise fut présentée à l’Administration américaine par des gens comme Jeff Feltman (alors ambassadeur à Beyrouth), comme la stratégie « pilote » pour ce qui pourrait être fait en Syrie. Les dirigeants du 14 mars arguèrent qu’ils pouvaient contrôler sans problème ces éléments radicaux : En dépit de leur orientation « Al-Qaeda », ils appartenaient, dirent-ils, à la « Grande tente » sunnite, érigée et dirigée par Saad Hariri et l’Arabie saoudite.
La chute de la Syrie portait l’espoir de lever un obstacle entre les ennemis jurés iranien et israélien : le Hezbollah. C’était un projet séduisant pour l’Administration américaine : « Cette fois, un conseiller du gouvernement américain m’a dit, écrivit Seymour Hersh (journaliste américain spécialisé dans les affaires militaires NDT), que Bandar et d’autres Saoudiens avaient assuré la Maison Blanche qu’ils garderaient un œil sur les fondamentalistes religieux. Leur message étaient : « Nous avons créé ce mouvement et nous pouvons le contrôler ». Non que nous ne voulons pas que les Salafistes jettent des bombes : la question est sur qui ils les jettent –le Hezbollah, Moqtada al-Sadr, l’Iran et les Syriens – s’ils continuent d’agir avec le Hezbollah et l’Iran ».
Tous les Saoudiens, cependant, n’étaient pas aussi sûrs : un ancien diplomate, dans une conversation avec Hersh, a accusé le dirigeant du Hezbollah, Nasrallah, d’essayer de « détourner l’État », mais il objecta aussi aux soutiens libanais et saoudiens des djihadists sunnites au Liban : « Les Salafistes en ont assez et sont pleins de haine. Et je suis tout à fait opposé à l’idée de flirter avec eux. Ils détestent les chiites, mais ils détestent les Américains encore plus. Si vous essayez de jouer aux plus fins avec eux, ils joueront aux plus fins avec nous. »
Les conseils de Bandar Bin Sultan
Cheney et son équipe étaient, néanmoins intrigués par les idées de Bandar sur la Syrie. Ils restèrent, cependant, prudents : « Nous devons faire tout notre possible pour déstabiliser le régime syrien et exploiter chaque instant où ils dérapent stratégiquement. »
Dans une interview au Telegraph, en 2007, David Wurmser (ancien conseiller de Cheney et de John Bolton) confirmait « que cela implique la volonté d’escalade autant que nous en aurons besoin pour renverser le régime syrien ». Selon lui, « la fin du régime baassiste entraînera l’écroulement du régime de Téhéran ».
Bandar s’était vanté de sa capacité à contrôler les djihadistes : « Laissez moi ça ! ». Le conseiller à la sécurité de Cheney, John Hannah, notait plus tard : « En tandem avec les États-Unis, Bandar, et ses immenses talents, pouvaient s’avérer être un énorme avantage pour influencer les révoltes de 2011 au Moyen-Orient dans une direction favorable aux intérêts américains. Mais utilisés à d’autres fins, ces mêmes talents pouvaient conduire à des résultats que Washington aurait pu ne pas trouver tout à fait à son goût ».
Ce point – l’entrée de l’Arabie saoudite dans une initiative importante contre la Syrie – a aussi marqué la naissance de l’alliance stratégique entre Israël et l’Arabie saoudite, unis par leur hostilité commune à l’égard de l’Iran. En fait, l’ancien diplomate saoudien avait raison. Ni Hariri, ni le Prince Bandar, ne purent contrôler les forces fanatiques du Califat avec lesquelles ils œuvraient. Si modérés qu’ils fussent, ils ont migré politiquement vers le camp Al-Qaeda et ISIS – tout comme les armes livrées par la CIA. Le conflit syrien se précisait, en grosses lettres, de plus en plus djihadist, exactement comme le général Flynn en avait averti dès 2012.
Le président Barack Obama est claire sur le fait que, depuis le début, il n’a jamais cru dans la notion de « modérés ». En 2012, il dit à Jeffrey Goldberg (journaliste israélo-américain spécialiste des affaires internationales et Israël, NDT) : « Si vous avez une armée professionnelle bien équipée et soutenue par deux grands États qui ont un énorme intérêt dans l’affaire, et qu’elle combat contre un fermier, un charpentier, un ingénieur qui ont commencé par manifester et se retrouvent soudain au milieu d’une guerre civile, l’idée que l’on aurait pu changer l’équation sur le terrain, proprement, sans impliquer les forces américaines militaires, n’a jamais été juste ».
Obama ne croyait pas dans les « modérés », mais il était sous la pression des « Faucons », y compris son propre émissaire, Fred Hof, et le général Allen, pour accélérer le renversement d’Assad. Cependant, face à Goldberg, le président fut catégorique sur le fait que « nous n’allons pas plonger et être impliqués dans une guerre civile qui concerne, en fait, certains éléments du peuple qui sont sincèrement en train d’essayer d’avoir une vie meilleure, mais qui implique, également, des gens qui, à long terme, nuiraient aux États-Unis ». La réponse, comme si souvent, fut d’utiliser encore plus de moyens secrets pour calmer les « Faucons » en augmentant les opérations clandestines de soutien à l’opposition, y compris les djihadistes.
Barack Obama : Nous estimons que les jours du président Bachar al Assad sont comptés. Ce n’est pas une question de « si », mais de « quand ». Aujourd’hui, pouvons-nous accélérer ça ? Nous agissons avec la communauté internationale pour essayer de réussir (…)
Goldberg : N’y a-t-il rien que vous ne puissiez faire pour aller plus vite ?
Obama : Rien que je puisse vous dire, car vos garanties de secret ne sont pas assez bonnes !
Cependant, l’Administration pouvait voir comment d’autres – et pas « proprement » – étaient « en train de changer l’équation sur le terrain ». En 2014, le vice président Biden était beaucoup plus candide : « Toute la question est la capacité à identifier un centre modéré en Syrie – il n’y avait pas de centre modéré parce que le centre modéré est composé de commerçants, pas de soldats… Et j’ai constamment dit que nos alliés, nos alliés dans la région, étaient notre principal problème en Syrie. Les Turcs – c’étaient de grands amis, et j’ai eu la meilleure relation avec Erdogan avec qui je viens de passer beaucoup de temps, les Saoudiens, les Émiratis etc. Que faisaient-ils ? Ils étaient si décidés à renverser Assad et à n’avoir qu’une guerre par procuration Sunnites contre Chiites, qu’ont-ils fait ? Ils ont déversé des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armes à quiconque combattrait contre Assad, sauf que ceux qui ont été approvisionnés s’appellent Al-Nousra et Al-Qaeda et les éléments extrémistes djihadistes venus d’autres parties du monde. Où tout ça est-il parti ? Qu’est-ce qui se passe maintenant ? Tout d’un coup, tout le monde se réveille parce que ce groupe appelé ISIL qui était auparavant Al Qaeda en Irak qui quand ils ont été jetés d’Irak ont trouvé un espace ouvert dans le territoire de l’est syrien et ont agi avec Al Nousra que nous avons déclaré groupe terroriste il y a quelques temps, et nous ne pouvions pas convaincre nos collègues d’arrêter de les approvisionner ! Et qu’est-ce qui est arrivé ? Tout d’un coup – je ne veux pas être trop facétieux – ils ont vu Dieu ! (c’est-à-dire que les États du Golfe ont dit qu’ils allaient former une coalition contre ISIS). Maintenant nous avons, le président a pu former une coalition de nos voisins sunnites, parce que l’Amérique ne peut pas une nouvelle fois aller dans un pays musulman et être vu comme l’agresseur, c’est les Sunnites qui doivent y aller pour attaquer une organisation sunnite !
Se référant à la réunion de juin 2015 avec les dirigeants du Golfe à Camp David, John Hannah, peut-être grâce au bénéfice de l’expérience, a paradoxalement déclaré ceci sur la politique syrienne d’Obama : « Obama sème ses petits cailloux : les Arabes, selon le président des États-Unis doivent tirer des leçons de l’exemple Iranien. En fait, ils doivent lire quelques pages du manuel des Forces de Qods – voulant dire développer leurs propres intermédiaires capables d’affronter pied-à-pied et de battre les agents de l’Iran. Le président semblait s’émerveiller de la capacité de l’Iran à avoir des intermédiaires pour défendre ses intérêts, du Hezbollah aux Houthis en passant par les milices Irakiennes. « Où, demanda-t-il, est l’équivalent du côté sunnite ? Pourquoi, voulut-il savoir en particulier, les Saoudiens et leurs partenaires n’ont-ils pas été capables de « cultiver » assez de Yéménites pour porter le poids du combat contre les Houthis ? Les Arabes, suggéra Obama, ont dramatiquement besoin de développer une boîte à outils qui va au-delà de la force brute d’une intervention. Bien sûr, ils doivent être plus subtils, plus sournois, plus efficaces, en fait, que l’Iran. »
À quoi John Hannah répond (maintenant qu’il bénéficie de plus d’expérience) : « Réfléchissez, se sentant menacés, désespérés, avec un soutien américain incertain et un combat existentiel à mort avec l’Iran chiite, vers quel intermédiaire pensez-vous que les Saoudiens se tourneront, à coup sûr, en un clin d’œil ? Al-Qaeda au Yémen ? Jabhat al-Nosra en Syrie ? État Islamique en Irak ? Impossible, dites-vous ? Peut-être. Mais peut-être pas. »
Le passé n’est pas nécessairement un prologue, mais il est certainement une raison pour agir très, très prudemment. Le président semble avoir un engouement spécial pour les opérations secrètes bon marché, « hors radar » et les activités paramilitaires ; Il semble aussi impatient, voir désespéré, de soulager la charge du meneur américain du monde en forçant ses difficiles alliés à se dépêcher de discipliner leurs propres voisins. « Combinez ces impulsions et tout semblera parfait en théorie pour contrer l’Iran. Mais c’est le Moyen-Orient et le djihad qui arrive contre la conflagration du djihad sectaire ne fait que commencer. Soyez donc prudent sur ce que vous espérez ».
Transformer un cercle en carré
D’où la nature du chaos en Syrie : parfois il n’est pas possible de transformer un cercle en carré en concédant une portion à chaque partie – aux Faucons nationaux, au secteur des Opérations spéciales, aux alliés du Golfe – tout en essayant de tenir la ligne de non intervention militaire américaine. La sémantique et le « maquignonnage » mis à part, peu importe la fréquence des changements de nom, al-Qaeda/Al Nosra et autres du même acabit (Ahrar Ash-Sham, etc) ne pourra jamais signifier « modérés », dans n’importe quel sens du terme.
« Obama a eu raison, dit Tom Friedman (journaliste américain, éditorialiste du New York Times, affaires internationales-NDT), dans son ambivalence quant à un engagement plus fort en Syrie. Mais il n’a jamais eu le courage de sa propre ambivalence pour expliquer son raisonnement au peuple américain. Il a continué de se laisser taper dessus en faisant et en disant des choses que ses tripes lui disaient qu’elles ne marcheraient pas, et a reçu le pire de tous les mondes : sa rhétorique dépasse la politique et la politique ne marche pas ».
Il n’est, donc, pas surprenant, dans ces conditions, que certains en
Amérique commencent (prudemment) à considérer le président Poutine et son initiative militaire comme la seule voie pour trancher le nœud gordien et délivrer le président Obama du « nœud » de son ambivalence : laissons la Russie et ses alliés battre ISIS et laissons « le fermier, le charpentier, l’ingénieur qui ont commencé comme manifestants, et soudain se voient aujourd’hui au milieu d’une guerre civile », comme dit Obama, entrer d’une manière ou d’une autre, dans le processus politique. Ce pourrait être là le début d’un « exploit ».
* Alastair Crooke est un diplomate qui a joué un rôle important dans le Renseignement britannique et la diplomatie européenne. Il est le fondateur et le directeur du Forum des Conflits qui prône un engagement entre l’islam politique et l’Occident.
Source : www.conflictsforum.org
Traduction Christine Abdelkrim-Delanne