La Communauté des pays de langue officielle portugaise (CPLP), qui a tenu son sommet à Maputo le 20 juillet dernier, est l’héritière de la Conférence des organisations nationalistes des colonies portugaises (CONCP), élargie au Portugal et au Brésil. La CONCP fut créée à Rabat en 1960 par les organisations nationalistes de São Tomé et Principe (CLSTP), du Mozambique (Frelimo), de l’Angola (MPLA), de Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), ainsi que par des organisations de la colonie portugaise de Goa (Inde) – qui allaient la quitter lors de la libération de cette enclave en décembre 1961.
La CONCP avait mené une longue bataille. Tout d’abord en isolant le colonialisme portugais, dans le contexte africain et des pays progressistes ; puis en obtenant la reconnaissance de la légitimité de la lutte armée de libération en Angola, Mozambique et Guinée-Bissau, et notamment la représentativité du Frelimo et du PAIGC. Quant à l’Angola, la CONCP contribua fortement à mettre un terme au statut de gouvernement provisoire en exil du Front national de libération de l’Angola (FNLA, dirigé par Holden Roberto) auprès de l’OUA. Il s’ensuivit la reconnaissance par l’organisation continentale africaine du MPLA au côté du FNLA, reconnu précédemment.
La CONCP a également travaillé à l’octroi du statut de prisonniers de guerre aux militants et soldats capturés par les colonialistes et les signataires des conventions de Genève et de la Croix-Rouge internationale.
En 1975, lorsque les forces de Mobutu, le FNLA et les mercenaires envahirent le nord de l’Angola à partir du Zaïre, et que les Sud-Africains entrèrent dans le sud à partir de la Namibie, la CONCP prit à nouveau la décision historique de soutenir la proclamation de l’indépendance prévue le 11 novembre, mais aussi d’envoyer des troupes et des armes pour combattre les envahisseurs à côté du MPLA, et cela avant l’arrivée des Cubains.
Elle a par ailleurs joué un rôle important dans le soutien du Timor-Est occupé par l’Indonésie.
Le Brésil a très vite montré son intérêt à nouer des relations avec le Mozambique et l’Angola après leur indépendance. Alors que le régime militaire était encore en place, la diplomatie brésilienne prit des initiatives concrètes en ce sens. L’ambassadeur Italo Zappa, qu’on nommait le « Prince » à l’Itamaraty (ministère brésilien des Affaires étrangères), et Vieira de Melo sont alors en première ligne. Le premier devient l’ambassadeur à Maputo, le deuxième en Angola. Le Brésil fut le premier pays au monde à reconnaître l’État angolais issu de la déclaration d’indépendance du président du MPLA, Agostinho Neto, le 11 novembre 1975.
Depuis l’avènement de la démocratie, tous les chefs d’État brésiliens ont visité Maputo et Luanda, et chacun plus d’une fois. Les questions économiques, dont le charbon, l’agrobusiness et les grands travaux publics sont au cœur de l’agenda des visites.
Au début des années 1990, le Brésil, à travers son ambassadeur à Maputo, Aparecido de Oliveira, a suggéré la création de la CPLP « sur les cendres de la CONCP ». En 1996, la CPLP voit ainsi le jour et intègre huit pays ; les cinq anciennes colonies africaines, le Brésil, le Portugal et Timor-Est, qui y a adhéré après sa libération en 2002.
La Guinée Équatoriale, le Sénégal et Maurice sont membres observateurs. La Guinée Équatoriale a demandé le statut de membre effectif, mais le fait que ce pays n’ait pas le portugais comme langue officielle et surtout la situation des droits de l’homme dans le pays expliquent le retard pris par l’organisation pour trancher sur cette question. Par ailleurs, la CPLP refuse de reconnaître les gouvernants issus du coup d’État d’avril 2012 à Bissau.
À part la confirmation de la non-reconnaissance des putschistes de ce pays membre, peu de décisions substantielles ont été prises à ce dernier sommet de Maputo – auquel Carlos Gomes Junior, le premier ministre bissau-guinéen renversé par le coup d’État, fut convié. La coopération économique se développe davantage au niveau bilatéral. Il est question depuis longtemps de la création d’une banque commune et de mécanismes d’assurance collective des investissements et transactions. Rien n’est sorti du dernier sommet. L’Accord orthographique entre les pays membres est même remis en cause. Le Mozambique et l’Angola ne l’ont pas encore signé. Mais au Portugal, avec lequel de longues négociations ont eu lieu avec le grand partenaire linguistique qu’est le Brésil, les voix de linguistes et d’écrivains questionnent le bien-fondé d’un tel accord (dont le but était de mettre en place une politique éditoriale commune).
Pour le moment, il faut plutôt regarder la CPLP comme une plate-forme de concertation et de solidarité politique, diplomatique et de coopération au niveau culturel. Il y a des principes et des actions communs qui correspondent à un idéal partagé, moins flou que celui d’autres organisations africaines ou pluricontinentales, comme celle-ci.
Le Mozambique présidera la CPLP pendant les deux prochaines années et l’ambassadeur mozambicain, Isaac Murargy, est devenu le nouveau secrétaire exécutif de l’organisation dont le siège se trouve à Lisbonne.